Autour de Jupiter Texte imprimé

Peu à peu ces derniers mois, l'incongru, l'inconcevable se sont immiscés dans les récits réalistes pour la jeunesse : la mort du personnage principal. Jusqu'alors, cette littérature n'occultait certainement pas ce sujet grave et existentiel, mais la mort rôdait essentiellement autour du héros et symbolisait plutôt une étape à franchir pour rejoindre le monde des adultes : grandir c'est se détacher, c'est perdre sans se perdre. Gary D. Schmidt fait tomber le voile et, en sacrifiant son héros, se tourne ici vers un autre registre, celui de la tragédie - cette tristesse majestueuse disait Racine - spectacle des passions humaines en lutte contre elles ou contre le destin. Après un séjour dans une prison pour mineurs, suite à des faits de violence graves, Joseph, 14 ans, vient de sortir. Placé dans une famille d'accueil, il semble s'apaiser, un peu... Mais son ancienne vie le rattrape. D'abord dans ce qu'elle lui a laissé de plus beau : Jupiter, son bébé qu'il veut absolument connaître alors que la famille de la mère, morte en couches, le lui a défendu. Mais son passé, c'est aussi un père violent et cupide. Le romancier nous parle de la force des liens qui nous unissent pour le meilleur et pour le pire, explorant tout particulièrement un thème qui lui est cher, celui de la paternité. Le lecteur est en permanence suspendu sur la crête de l'émotion et reçoit le récit en plein coeur grâce à une plume tout en discrétion, économe, attentive aux petits signes : un geste, un mot, l'amorce d'un sourire... Du grand art.