Editeur
Arles : Actes Sud , 2011 ; 53-Mayenne : Impr. Floch
Description
1 vol. (113 p.). ; 19 cm
Collection
ISBN
978-2-7427-9950-3
Résumé
Récit de vacances dans le havre de paix d'une demeure familiale restée, pour toute la famille, l'incontournable lieu de rendez-vous de l'été, La Faute de goût est un voyage quasi exotique dans un espace hors du temps où tout ne serait que calme, luxe et volupté, au bord de la piscine fraîchement plantée dans l'indivision du domaine. Sur les pas de Mathilde, qui arrive pour quelques jours de débrayage estival, on entre sans effraction chez ces bourgeois bon chic, bon genre, soucieux des conventions et des codes d'une société où l'art de vivre repose sur une véritable règle du jeu, respectueuse des usages implicites qui font loi. Sous le regard d'entomologiste de la narratrice, les vies minuscules de chacun mises côte à côte prennent un relief particulier, se fondent en un corps social, incarnant les us et coutumes de la bourgeoisie traditionnelle. Mathilde, elle, contemple tout cela sans jugement et sans condamnation, capte l'atmosphère de la maison, et rend sensible l'esprit des lieux qui est en vérité un esprit de classe. Distillant un parfum d'ambiance anachronique, entre garden-party et confidences inoffensives à l'ombre des grands marronniers, la narratrice ouvre les portes du temple familial, invite le lecteur à sa table, lui fait partager sa chambre avec vue sur la piscine, dont l'accès est strictement réglementé en fonction des plages horaires et des publics. Si règne en apparence une incorruptible harmonie, si l'esprit de famille tient lieu d'esprit d'entreprise et réciproquement, si la magnanimité bienveillante des maîtres de maison décloisonne un instant les frontières qui les séparent de l'office et de la cuisine, il n'en demeure pas moins que les clivages de classes régissent puissamment cette société attachée à ses privilèges avec la morgue et l'arrogance de ceux qui, fiers de leurs prérogatives, tiennent leur rang comme on défend une citadelle. L'ordre des choses, le respect des règles et de la place de chacun, une distribution des rôles jamais remise en cause, tel est le prix de la paix dans ce monde déclinant. Pourtant, imperceptiblement, le doute s'insinue. Mathilde prend conscience que ces batailles ne sont pas vraiment les siennes, mais ne s'y oppose pas franchement. Une attente diffuse naît ; la tension, l'amertume des uns et les insinuations des autres laissent à penser que l'orage va éclater. Or rien ne vient, pas de monstre caché, aucune tentative réelle de rébellion, le séjour de Mathilde s'achève comme dans un Festen dégoupillé et nous dévoile le portrait d'une génération grandie dans l'idée du progrès et prise de court par la crise, d'une génération qu'aucun feu ne soutient, qu'aucune révolte ne consume et qui pose sur le monde un regard lucide et désabusé. En quatorze chapitres, subtils et délicats, Caroline Lunoir déploie une suite de tableaux, qui comme autant de lentilles d'optique additionnées, révèlent avec une précision croissante le cours apparemment immuable d'une vie feutrée, protégée du vacarme du monde et rythmée par les rituels conviviaux, conditionnée par les logiques de la reproduction sociale, imperméable à la faillite et dont la réussite est le signe distinctif.
Situation