Philippe Besson

 

crédit Maxime Antonin

 

 

Philippe Besson est l’auteur de 16 romans, dont En l’absence des hommes, Les jours fragiles, La trahison de Thomas Spencer. Dans son dernier titre, Vivre vite, Philippe Besson dessine une silhouette de James Dean à travers la voix de ses proches. Un portrait intime et subjectif d’une icône insaisissable.

D’où vient votre envie d’écrire sur James Dean ?

De l'adolescence. Le visage de Jimmy était en poster dans ma chambre. J'aimais cette moue boudeuse, cette beauté incandescente, et déjà l'impression de mystère qui se dégageait de lui. Comme s'il nous résistait, alors qu'il s'offrait. Comme s'il nous cachait quelque chose, alors que sa célébrité était mondiale. Et puis, il incarnait la jeunesse rebelle. A dix-sept ans, cela me touchait. Quand, plus tard, j'ai vu les films, j'ai découvert le génie de l'acteur.

Vivre vite est un roman choral, raconté par différentes personnes plus ou moins proches de James Dean. Pourquoi avez-vous choisi cette structure narrative ?

Parce que ceux qui ont approché James Dean disaient souvent ne pas le connaître vraiment, qu'il leur semblait insaisissable et qu'il était passé dans leur vie comme une étoile filante. Pour espérer dresser un portrait total, il me fallait donc accumuler les témoignages. Par ailleurs, j'écris des livres pour inventer des voix et devenir un autre. Là, je me suis fait un immense plaisir : je suis devenu 30 autres. Et j'ai dû inventer les voix singulières de chacun de ces témoins : c'était un défi littéraire.

Comment réussissez-vous à donner sa propre voix à chaque narrateur ?

Lorsqu'il s'agissait de gens ne s'étant jamais exprimé publiquement (sa mère, sa tante etc.), il me suffisait d'inventer. Lorsqu'il s'agissait de personnalités connues, j'étais davantage dans le pastiche, ce qui est un exercice amusant. Mais surtout, il m'intéressait de restituer la part sensible de la relation de chacun à Jimmy.

Quelle part avez-vous laissé à l’imagination dans votre écriture par rapport aux éléments biographiques ?

Tout est vrai... sauf ce que j'ai inventé. En l'espèce, je me suis montré assez soucieux de la vérité historique. Mais évidemment, je me suis engouffré dans les brèches, j'ai exploré les zones d'ombre et fourni ma propre interprétation, j'ai tenté de mettre de la chair, du sensuel dans tout cela. Et j'ai carrément créé de toutes pièces l'un des personnages. A vous de deviner lequel !

Concevez-vous que le lecteur puisse trouver James Dean peu sympathique ?

Oui. Il était insolent, parfois arrogant, il avait des sautes d'humeur, il ne s'attachait jamais vraiment, il était infernal sur les tournages. Mais n'oublions jamais qu'il était orphelin de sa mère depuis l'âge de 9 ans et que cette blessure ne s'est jamais refermée, cette perte a provoqué un désordre intime. Ne perdons non plus jamais de vue qu'il est mort à 24 ans : un jeune homme de cet âge-là, c'est turbulent, compliqué, infidèle.

Croyez-vous, comme le disait James Dean, qu’il faille « vivre vite » ?

J'aime bien l'idée de vivre vite. Mais cela ne doit pas nous empêcher de vivre longtemps ! L'important, en tout cas, c'est de vivre intensément. Rien n'est pire que l'ennui.

Si vous deviez décrire James Dean en 3 adjectifs, quels seraient-ils ?

Mélancolique. Fulgurant. Ambigu.

A votre avis, quelle portée a encore aujourd’hui le film La fureur de vivre ?

C'est un film qui a vieilli, bien sûr mais il raconte quelque chose de la prise du pouvoir par une jeunesse en rébellion dans l'Amérique conservatrice et pudibonde des années 50. Et Nicholas Ray est un immense metteur en scène : son film reste une leçon de cinéma.

Agenda : 

90 minutes avec… Philippe Besson, auteur de Vivre vite

Bibliothèque Simone-de-Beauvoir
Samedi 3 octobre 2015